Motivé par la crise d’approvisionnement énergétique en Europe, l’explosion du coût de l’énergie et sa condamnation par l’Union Européenne pour non-respect de ses objectifs de développement ENR, le gouvernement Français a adopté le 10 mars 2023 le texte de loi visant à accélérer le développement des capacités de production d’énergie renouvelable. (LOI n°2023-175 du 10 mars 2023)
Accueilli de manière mitigée par les acteurs de la filière, la loi d’accélération des EnR contient cependant quelques articles ouvrant des perspectives intéressantes pour le développement de ces sources d’énergie dans les départements et régions d’outre-mer, et en particulier pour La Réunion.
TEMERGIE vous propose un décryptage de ces dispositions.
1 – Les articles retirés du projet de loi :
Trois articles présents dans le projet de loi initial ont été retiré du texte final par le conseil constitutionnel car identifiés comme cavaliers législatifs (article de loi qui porte sur des mesures n’étant pas en lien avec le sujet traité par le projet ou la proposition de loi en cours de discussion).
Ces trois articles concernaient :
- Article 46 du projet de loi : Rapport relatif aux conditions de mise en place d’une Réglementation Thermique, notamment dans les bâtiments tertiaires dans les DROM
- Article 111 du projet de loi : Rapport sur l’évolution des recettes issues de la fraction perçue en outre‑mer sur les produits énergétique et l’octroi de mer
- Article 115 du projet de loi : Rapport sur l’évaluation du potentiel d’utilisation des biocarburants et des bioliquides dans les DROM
2 – Les études de gisement :
- Article 107 : Etude sur le potentiel de développement de la géothermie (sous 6 mois)
- Article 108 : Etude sur potentiel de développement des dispositifs de stockage par pompage turbinage (sous 6 mois)
Ces deux rapports seront remis au Parlement par le Gouvernement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. Ils permettront de définir le potentiel de développement de ces deux types d’énergie sur le territoire réunionnais. Deux solutions qui permettraient, d’une part, d’assurer un approvisionnement d’électricité bas carbone, renouvelable, local et pilotable grâce à la géothermie, et d’autre part, une solution de stockage permettant d’augmenter la flexibilité du réseau électrique afin de maximiser le taux de pénétration des énergies renouvelables intermittentes tout en s’affranchissant de la contrainte de gestion des batteries chimiques.
3 – Dispositions générales :
- Article 101 : Modification du 8° de l’article L100-4 du code de l’énergie concernant l’autonomie énergétique des DROM
Cet article vient modifier la disposition introduite par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2017 en supprimant la mention de l’objectif intermédiaire de 50% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 et en précisant comme nouvel objectif l’atteinte d’un mix électrique composé à 100% d’énergie renouvelable à l’horizon 2030.
- Article 15 (15° b VII.) : Définition des « objectifs régionaux » à atteindre dans le cadre des zones d’accélération
L’Article 15 de la présente loi indique que les objectifs régionaux (en lien avec la définition des zones d’accélération pour le développement des énergies renouvelables) à atteindre pour La Réunion sont ceux prévus par la planification pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Pour rappel, ce dispositif de « zones d’accélération » devra faire intervenir des référents chargés de l’instruction des projets d’énergies renouvelables, désignés dans chaque préfecture. L’État devra mettre à la disposition des collectivités locales les informations disponibles sur le potentiel d’implantation des énergies renouvelables. Les zones d’accélération pour le développement des énergies renouvelables doivent être définies par les communes, après concertation du public, sous 6 mois à partir de l’envoi de ces informations.
- Article 99 :
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- Offre la possibilité légale de convertir les centrales thermiques fossiles (qu’elles soient déjà en exploitation ou au stade de projet mais inscrites dans les PPE) à la biomasse
- Cette conversion s’accompagne d’un plan d’approvisionnement excluant toute matière première présentant un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols
- Modification de l’article du code de l’énergie sur l’ordre de priorité d’injection ENR sur le réseau des ZNI (L322-10-1) : priorité aux « installations EnR valorisant une source locale d’énergie » (l’aspect « local » sera défini par arrêté)
L’article 99 concerne la transition énergétique des zones non interconnectées grâce à l’utilisation de biomasse, ainsi que des dispositions permettant de distinguer les ressources énergétiques renouvelables locales et les ressources énergétiques renouvelables importées afin de définir un ordre de priorité lors de l’appel des moyens de production d’électricité par le gestionnaire du réseau.
- Article 40 : Définition du seuil d’assujettissement à l’obligation de solarisation des parkings par décret dans les DROM (limites : 500 < x < 2500 m²)
Une des mesures incitatives pour le développement du solaire photovoltaïque dans cette loi est l’obligation d’équiper les parcs de stationnements extérieurs d’ombrières solaires. Le seuil d’assujettissement en métropole est fixé à 1500 m², et au moins la moitié de cette surface devra être couverte. Cependant, pour chacun des DROM, ce seuil sera précisé par décret.
- Article 103 : Possibilité pour les collectivités ultramarines volontaires, de mener des missions de sensibilisation du public au développement du solaire photovoltaïque (aides existantes pour l’installation des équipements PV).
Dans un objectif de massifier les installations solaires chez les particuliers dans les DROM, cette mesure donnera lieu à un rapport permettant d’apprécier l’intérêt d’une généralisation d’un plan d’information similaire à l’ensemble des DROM.
4 – Dispositions spécifiques aux DROM et ZNI concernant le raccordement des installations EnR
- Article 26 : Possibilité pour le gouvernement de publier une ordonnance visant à modifier les procédures d’élaboration des S3RENR en ZNI (incluant la modification du périmètre de mutualisation des postes de réseaux publics de distribution/transport et transformateurs pour l’adapter au contexte géographique)
Afin d’anticiper les volumes de raccordement au réseau, les schémas de raccordement (S3RENR) sont étendus de 10 à 15 ans au lieu des 3 à 10 ans actuels. Les porteurs de projets de développement EnR seront donc encouragés à déclarer leurs projets avant l’élaboration/révision de ces schémas de raccordement.
- Article 28 : Disposition relative lors de l’atteinte des limites de capacités de raccordement des EnR à La Réunion
Un ordre de classement des demandes sera établi par l’autorité administrative de l’Etat si la capacité d’accueil prévisionnelle du réseau s’avérait insuffisant. À La Réunion, cela s’applique dans le cas où un projet d’installations de production d’énergie renouvelables engendrerait un délai de raccordement supérieur à 3 ans (contre 5 ans en Métropole).
5 – Dispositions non spécifiques aux DROM mais ayant un fort intérêt pour ces territoires
- Article 84 : Rapport relatif au financement des énergies marines renouvelables (évaluant les modalités de mise en œuvre d’un fonds EMR géré par l’ADEME)
- Article 116 : Rapport ADEME à destination des collectivités sur les possibilités de création de structure juridiques pour l’autoconsommation collective
Pour aller plus loin :
- Le texte sur Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000047294244/
- Communiqué de la CRE sur la loi accélération ENR : https://www.cre.fr/Actualites/adoption-de-la-loi-relative-a-l-acceleration-de-la-production-d-energies-renouvelables-par-le-parlement
- Une note d’analyse du projet de loi avant son passage en commission mixte paritaire par la FNCCR : https://www.fnccr.asso.fr/article/projet-de-loi-dacceleration-des-energies-renouvelables-2/